Veille mécénat culturel (14 avril 2011)

Le fait de la semaine: le rapport de la Cour des Comptes sur les Musées Nationaux


L'information à retenir en matière de mécénat culturel cette semaine, c'est sans nul doute ce rapport de la Cour des Comptes sur les Musées Nationaux, relayé par Le Monde, mais aussi par La Tribune de l'Art qui propose un article d'analyse bien plus complet. 
Ce rapport est assez critique sur la gestion des Musées Nationaux (politique tarifaire, gestion financière, efficacité budgétaire etc.), qui coûteraient cher à l'Etat et seraient dans certains cas mal gérés. Il ne faudrait cependant pas généraliser ces constats à tous les musées, puisque, comme nous le rappelle La Tribune de l'Art, "il s'agit bien ici essentiellement d'un état des lieux des musées "établissements publics"", dirigés principalement par des administrateur (et non par des Conservateurs, comme on peut le croire). La Tribune de l'Art ajoute que "l'essentiel de ce rapport est consacré (n'oublions pas qu'il s'agit de la Cour des Comptes) au coût des musées. On y parle assez peu de qualité ou de devoir de conservation. On part du présupposé que les musées sont un fardeau et qu'ils devraient coûter moins. Et ce que regrette dès le début la Cour des Comptes, c'est cette absence d'efficience comptable."
La Tribune de l'Art expliquant bien les enjeux de ce rapport, je me suis contenté de lire avec attention les pages consacrées au mécénat. Cette lecture fut des plus éclairantes, et voici quelques points à retenir:


- le rapport rappelle à que le dispositif français du mécénat est encore plus avantageux que le dispositif américain, balayant au passage quelques idées reçues. En effet, le système américain repose sur la déductibilité de l'impôt suite à un don, là où le système français repose sur une réduction de l'impôt.
- depuis la loi d'août 2003, le mécénat culturel a connu un essor remarquable - ce qui était le but de ce dispositif fiscal. Cependant, aucun dispositif de suivi ou d'évaluation n'ont été créés pour suivre spécifiquement le mécénat culturel (et notamment le coût de la dépense fiscale consentie par l'Etat.
- le rapport soulève une question importante, à savoir la nécessité de se doter d'une charte éthique du mécénat, pour encadrer et définir la question des contreparties. 
Le Musée du Louvre s'est doté d'une telle charte pour encadrer la pratique du "nommage". (donner le nom d'une entreprise mécène à une salle du musée). Cela avait failli être le cas en 1999 avec la restauration de la salle des Etats, qui abrite la Joconde, financé par "une chaîne de télévision japonaise" et une "grande entreprise pétrolière" qui espéraient pouvoir donner leur nom à la salle...(Vous aurez, bien entendu, reconnu ces entreprises que le rapport évite de nommer...)
- La question du mécénat de compétences. Ce type de mécénat se développe beaucoup: il s'agit pour une entreprise d'"offrir" ses compétences, par exemple pour la restauration de salles historiques de musées. Le rapport évoque les possibles dérives d'un système où l'entreprise mécène est aussi celle qui remet la déclaration de valeur des travaux effectués (qui dans certains cas se voit multipliée par cinq...après les études effectuées par l'entreprise elle-même).


De manière générale, ce rapport met en évidence la nécessité d'un encadrement plus volontaire de la part du Ministère de la Culture, en élaborant notamment une "charte éthique du mécénat des musées nationaux". C'est l'occasion de rappeler à quel point éthique et transparence sont des éléments essentiels en matière de mécénat.
Les autres nouvelles mécénat de la semaine

Quand les villes font appel au mécénat... L'exemple de Reims




A l'occasion du 800e anniversaire de la Cathédrale, la ville de Reims innove en matière de mécénat: elle cherche à associer fonds privés (via le mécénat d'entreprise) et fonds publics pour le financement d'événements publics, notamment culturels et sportifs.
Dans cette perspective, la ville de Reims a créé une mission permanente dédiée au mécénat. Pour ce faire, un poste a même été créé pour une durée de trois ans, afin de prospecter pour rechercher d'éventuels mécènes, entreprises ou particuliers. C'est la première fois qu'une ville se dote de ce type de structure. Serge Pugeault, adjoint à la culture de la mairie de Reims, rappelle que cette mission Mécénat s'inscrit dans une double perspective de culture et de développement économique. Il définit ainsi sa vocation: "Développer un mécénat dit de proximité en fédérant les acteurs économiques autour du rayonnement de leur propre territoire d'implantation."
Pour l'anniversaire de la cathédrale, cette mission Mécénat a permis de récolter 300 000 € auprès de 14 partenaires privés, parmi lesquels on trouve des entreprises de la région (principalement des maisons de Champagne) mais aussi des entreprises nationales. 
Il semblera que ce type de démarche soit appelée à se développer, principalement en raison du désengagement de l'état au niveau du financement dans les domaines culturels et patrimoniaux...
A ce sujet, on peut également citer le cas de la ville d'Auch: le maire s'est tourné vers le mécénat afin de financer la rénovation d'un escalier monumental, haut lieu du patrimoine auscitain. 
Ce qu'en dit le maire socialiste, Franck Montaugé, permet de saisir les enjeux de ces plan de financement public/privé. Ce projet de 8 millions d'euros, dit-il, était "injouable avec les montages financiers traditionnels. Alors que le désengagement se poursuit, il nous fallait trouver d'autres solutions, sous peine de voir le monument, source de lien social et d'attractivité touristique pour notre territoire, se détériorer." C'est un don de la fondation d'entreprise Total, d'un montant de 270 000 €, qui permettra de financer la première phase de la restauration.


La (petite) note d'Atopiak


L'aspect positif de ce type d'initiative est l'implication des entreprises et des particuliers dans le financement de ce qui fait la richesse d'une région (patrimoine, culture ou autre). Cela permet de développer l'idée, très répandue outre-manche, que l'entreprise se doit de redonner à sa communauté, et qu'elle doit aussi son succès à son implantation - d'où l'intérêt du mécénat dit "de proximité".
Cependant, il faudrait aussi en rappeler les dangers et les écueils, et rappeler que ces partenariats sont davantage subis que choisis, en raison du désengagement de l'état dans le domaine culturel. Ce type de partenariat public/privé n'est pas nouveau, mais leur apparition dans le domaine culturel et patrimonial pose question. 
Les PPP (partenariats public/privé) sont déjà bien répandus au Québec. Je n'aurai pas le temps de développer ici et ce sujet demanderait une note bien plus conséquente, mais l'expérience québécoise incite à être prudent: souvent, ces PPP coûtent au final plus cher, et il semble que ce soient, contrairement à ce que l'on peut croire, les collectivités publiques qui assument le plus les risques liés au projet. 


Un concert au Musée du Louvre 
Le Musée du Louvre poursuit ses actions de mécénat d'envergure... A la manière des dîners de charité américains, une grande soirée de mécénat sera organisé au Louvre par l'américaine Becca Cason Trash, présidente de l'Association des Amis Américains du Louvre. Janet Jackson y offrira un concert privé devant quelque 350 personnalités du monde des affaires, du luxe et de la mode. Ce concert sera suivi d'un dîner de bienfaisance et d'une vente aux enchères. Les sommes collectées permettront de rénover ses salles d'objet d'art du XVIIIe siècle.
En 2008 déjà, Becca Cason Trash avait déjà organisé semblable soirée, avec la participation du groupe britannique Duran Duran. L'événement avait été efficace en terme de collecte de fonds, puisque la soirée avait rapporté 2,7 M$ au musée.

Si de telles actions permettent effectivement de collecter d'importantes sommes, je me demande dans quelle mesure le Louvre n'est pas en train d'user de sa "marque" de manière exponentielle, au risque de réduire peu à peu le nom "Louvre" à une pure image, voire à une coquille vide, un bel écrin - qui gardera, sans doute, le prestige parisien d'une institution réputée, mais qui risque de perdre son identité. Car, enfin, Janet Jackson... Une manière de nous rappeler que nous sommes à l'ère de la culture "mainstream" et du divertissement de masse, et que l'art doit se mettre au diapason s'il veut intéresser les mécènes?

Disparition de Martine Aublet, responsable du mécénat au Musée du Quai Branly
Martine Aublet avait rejoint le musée dès 1998, avant même son ouverture, et c'est elle qui y a mis en place la politique de mécénat. De nombreux articles cette semaine lui rendent hommage: son implication pour le musée du Quai Branly a effectivement permis d'y développer la part du mécénat de manière significative. Pour ma part, son parcours m'a interpellé: maîtrise d'histoire de l'art, chargée de mission à l'Institut Français puis à l'ADEAC  (agence culturelle dépendant du ministère de la Coopération). Elle a ensuite repris et dirigé une agence d'architecture d'intérieur. Petite-fille d'un peintre orientaliste et collectionneur (Albert Aublet) elle s'intéressa très tôt à l'art africain et contribua à faire connaître en France les arts d'Afrique et d'Océanie.
Son parcours est intéressant: il part de l'intérêt et de la connaissance fine de l'art et de la culture, pour arriver au mécénat. Il me semble que ce type de parcours se fera plus rare, au moment où les profils recherchés pour les postes de mécénat culturel vont tous dans le même sens: sciences politiques ou école de commerce. En général, il est tout de même précisé qu'un "intérêt" pour la culture, l'art ou les musées est nécessaire. Ce n'est toutefois pas considéré comme une priorité. Dans les faits, les profils à double compétences sont courants (école du Louvre-Commerce, par exemple) mais on peut tout de même regretter une forme d'homogénéisation des parcours - espérons que cela n'engendre pas une uniformisation trop importante des pratiques.

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1 commentaires:

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